vendredi 27 février 2015

Compte rendu d’ouvrage : Paulès, Xavier. L’opium: une passion chinoise, 1750-1950. Paris: Payot, 2011

Delaspre Jean Manuel


Compte rendu d’ouvrage : Paulès, Xavier. L’opium: une passion chinoise, 1750-1950. Paris: Payot, 2011 :


      L’ouvrage dont nous nous proposons de faire la synthèse a été écrit par Xavier Paulès, maître de conférences à l’EHESS et membre du Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine. Ses recherches, qui ont donné lieu à plusieurs ouvrages, ont pour principaux thèmes l’histoire urbaine de la Chine contemporaine, l’histoire des jeux de hasard et l’histoire de l’opium, sujet principal de l’ouvrage dont il est question ici.
Pour mener à bien ses recherches sur cette question de la présence de l’opium en Chine sur la période 1750-1950, l’auteur s’appuie sur un nombre de sources important et varié, ainsi que sur une dense bibliographie : on peut mentionner à titre d’exemple des archives de l’Etat britannique, des revues et des journaux, des témoignages d’Occidentaux sur la Chine, les wenshi ziliao… Tous ces éléments donnent un éclairage varié sur la présence et l’influence de l’opium en Chine durant la période considérée et donne à voir différents points de vue sur cette drogue.

           Dans cet ouvrage, Xavier Paulès cherche à rendre compte de l’histoire de l’opium en Chine sur la période 1750-1950 d’une manière originale. De fait, il la traite sous un angle novateur, à travers la question suivante, qui est le fil conducteur de l’ouvrage : pourquoi l’opium a conquis de manière foudroyante une place prépondérante en Chine à partir de 1750 et surtout au XIXème siècle, au point que dans l’imaginaire collectif cette drogue a été associée aux chinois, alors qu’en réalité l’opium est une drogue étrangère (l’opium arrive en Chine en provenance d’Inde via des compagnies anglaises), pour ensuite perdre tout aussi rapidement son importance et son emprise dans la société chinoise en étant définitivement éradiqué par Mao et son régime dans les années 1950 ? Pour répondre à cette question, l’historien utilise 6 biais différents, matérialisés par 6 chapitres, pour rendre compte du fait que l’histoire de l’opium a de multiples facettes, et il s’écarte des positions trop tranchées de certains historiens occidentaux comme chinois pour montrer que le rôle, l’influence et les traces laissés par cette drogue sont bien plus ambiguës qu’on ne le croit. Mais surtout, et c’est là un point fondamental, son analyse se focalise avant tout sur la consommation de l’opium par la population durant sa présence en Chine. Ainsi, le thème de la consommation de l’opium apparaît comme toile de fond tout au long de l’ouvrage de Xavier Paulès, et c’est ce que reflète le titre de son œuvre.
Loin de voir simplement l’opium comme un instrument de l’impérialisme ou bien un fléau qui a été finalement éradiqué, l’auteur cherche à montrer que l’histoire de l’opium est bien plus complexe que cela, et qu’à partir de son histoire, c’est l’histoire globale de l’entrée de la Chine dans la modernité qui peut être invoquée à travers les relations de la Chine avec les autres puissances, mais aussi les différents régimes et leurs politiques vis-à-vis de l’opium, ainsi que l’empreinte économique que cette dernière a laissé, et enfin à travers la vision évolutive qu’ont les chinois eux-mêmes de l’opium et de sa consommation.

     Pour argumenter son propos, l’auteur a divisé son ouvrage en 6 chapitres distincts mais se recoupant toutefois, afin d’essayer de rendre compte le plus exhaustivement possible des différentes implications de l’opium en Chine. L’auteur se concentre en premier lieu sur la présentation de l’opium même, de sa préparation à sa consommation, afin d’entrer directement dans le vif du sujet, puis il élargit son propos et focalise successivement son attention sur l’opium et les relations extérieures, l’impact macroéconomique de l’opium, les enjeux politiques de celui-ci, avant de se consacrer plus clairement à sa consommation à travers l’identification des fumeurs et les lieux de consommation. L’auteur démontre ainsi que l’opium, s’il a eu des coûts, et notamment humain, a aussi contribué, après son affaiblissement, au renforcement de l’Etat qui a fait de la lutte contre l’opium son cheval de bataille, et qui a bénéficié des recettes fiscales liées à celle-ci., ainsi qu’à l’émergence d’une société civile hostile à l’opium. Au niveau économique, l’auteur met en évidence le fait que l’opium a aussi permis le désenclavement de régions isolés. Enfin, au niveau social, il met en lumière le fait que derrière l’image très négative donnée aux fumeurs d’opium et une tendance de fond à la baisse de la consommation, cette drogue s’est révélée être pour beaucoup d’individus un soulagement dans leur vie quotidienne, prenant ainsi la forme d’une distraction.


     Pour conclure, on peut dire que l’ouvrage est agréable à lire, le style est plutôt fluide, et l’auteur s’appuie sur un nombre de sources et une bibliographie très fournis. Surtout l’auteur adopte un point de vue original sur cette question à travers l’angle de la consommation, qui permet d’expliquer des phénomènes bien plus larges. Le seul bémol apparent est que le propos est parfois trop dense, et l’on se perd un peu dans les détails, mais dans l’ensemble l’ouvrage est très intéressant et permet d’en savoir plus sur cette question, que l’on soit néophyte ou connaisseur en la matière.

mercredi 25 février 2015

Compte rendu de l'ouvrage "Indonésie, la démocratie invisible. Violence, magie et politique à Java"




Compte rendu d’ouvrage

Romain Bertrand « Indonésie, la démocratie invisible. Violence, magie et politique à Java ». Edition Kathala, 2002

Romain Bertrand est un politologue, chargé de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques, Centre d'études et de recherches internationales (en 2002) et spécialiste de l’Indonésie. 

Dans l’ouvrage en question l’auteur explique la transition démocratique  qui accompagne le pays de l'Indonésie et plus spécialement les violences qui ont accompagné cette transition. C'est un ouvrage composé de six chapitres avec deux parties. Dans la première partie, le livre parle des croyances populaires (Singe blanc, Thuyul…)  et leurs influences, tandis que la seconde partie concerne essentiellement les pratiques des dirigeants de Suharto à Megawati. Parmi ces pratiques il y a le semadi, pèlerinages sur les tombes, œuvres charitables ou pieuses, etc. En outre, ces dirigeants font appel a leurs conseillers spirituels pour se concilier les faveurs des puissances occultes qui s'affrontent dans le domaine invisible.

Romain Bertrand dans son ouvrage propose d'une part l'image d'harmonie que la société javanaise entend donner d'elle-même en mettant de côté les explications politologiques habituelles reliant la violence aux conditions économiques et sociales ou encore à des facteurs religieux ou  ethniques. D'une autre part, il relie la modernité démocratique à des croyances occultes. Donc, l'ouvrage porte sur deux idées , d'un côté il porte sur la relation des violences collectives caractérisant la Java et la magie et de l'autre côté la relation de cette dernière à la démocratie.

Le premier thème permet de relier les violences collectives avec les croyances occultes et le sentiment d'être en insécurité spirituelle. Le second thème du livre affirme que la magie n'est nullement en contradiction avec la modernité démocratique. Donc, le sous-titre du livre ("violence, magie et politique") montre le rapport que ces trois éléments entretiennent dans la société javanaise.

Le politologue Romain Bertrand se focalise exclusivement sur le rapport de la violence avec la sorcellerie et même si des multiples formes de violences ont été présentes dans l'Indonésie au tournant du siècle. Les individus accusés de magie noire sont des individus coupables par leurs attitudes (arrogance, brusque enrichissement, manque d'intégration sociale) de léser la communauté. Donc, l'auteur montre que la violence se présente à elle-même comme une réaction légitime à une menace d'ordre surnaturel.

Toutefois, il n'apparaît pas toujours nécessaire de se référer à la magie. Dans de nombreux cas, la spontanéité des violences collectives n'est qu'apparente. L'orchestration de la rumeur permet d'inciter les foules au crime et de transformer les agresseurs en justiciers répondant d'avance à la violence qu'ils redoutent de leurs futures victimes. 

L’auteur fait une distinction de la foule et du peuple qui pose la question de la démocratie. Le peuple se distingue en effet de la foule par son organisation. La foule reçoit son unité de l'extérieur, du leader charismatique qui la fascine, le peuple de l'intérieur, d'une commune visée de l'intérêt général. Parler de «démocratie invisible » ne revient pas, pour Romain Bertrand, à rappeler comment la démocratie parlementaire n'a jamais réussi à s'imposer dans l'archipel, face aux différents modèles de pouvoir autoritaire.

Romain Bertrand, considère que le domaine des croyances au monde invisible constitue un code commun que partagent les élites gouvernantes et le peuple auquel elles ont à rendre des comptes.
Le fait de recourir aux conseillers occultes, quel que soit leur registre (magiciens, experts, techniciens, membres des services secrets, conseillers en communication) va cependant encadrer  la représentativité démocratique du pouvoir.  
En outre ce qui va empêcher que la démocratie soit parfaitement établie c’est le reproche aux accusés de commercer avec les démons, en raison de leur comportement anti-social, qui se traduit dans leur habitat , puisqu'ils possèdent, dans leur maison silencieuse  une chambre privée, fermée le jour et ouverte la nuit, qui montre bien donc  le surgissement d'un individualisme destructeur des anciennes solidarités à l'heure de la mondialisation des échanges.
À la mise en échec de la démocratie que les conditions économiques extrêmement défavorables de la Réformasi ne semblent pas devoir détruire, s'ajoute celle de l'idée de nation coincée entre le local : le village ou le quartier repliés sur lui-même et livrés à la violence et le global : les réseaux mondialisés  du capitalisme et de l'islam radical.

Le propos invoqué par l’auteur s’avère influençant de par sa richesse et son originalité, mais  apparait au final décevant de par son caractère allusif. En outre, les problèmes abordés par l’auteur sont d’une extrême complexité et donc il aurait dû avoir un plus ample développement des analyses. Toutefois, cet ouvrage de Romain Bertrand reste un ouvrage très intéressant et enrichissant pour notre culture générale.

 Sala Brahimi

Compte-rendu; Shanghai années 30 : plaisir et violence

Shanghai était une ville très connue et prospère dans le monde pendant la période des années 30. Mais en réalité, à cette époque-là, Shanghai est aussi une ville en résultant de deux parties -- plaisir et violence. Shanghai d’un côté, dans la concession, possédait une vie très luxe et corrompue ; d’autre côté, Shanghai était pleine de violence et de danger sous le contrôle de toutes les forces en raison de la guerre.
La concession internationale de Shanghai est la première concession apparue en Chine. Elle était une concession qui existait la plus longue, la plus grande et la plus économiquement prospère, et aussi elle était une concession dont la loi la plus complète juridique et dont les agences les plus grandes étaient la plus développé.
En novembre 1843, en vertu des dispositions du « Traité Nanjing », Shanghai est devenu ouvert aux ports commerciaux étrangers, et les britanniques ont droit de résider à Shanghai. Mais en réalité, le Traité ne permet pas de partager une certaine partie pour les britanniques. Le géant de Shanghai a eu peur de perdre sa fonction publique, donc en décembre, le consul britannique et le gouvernement de Shanghai ont consenti les limites nord et sud de la concession britannique. En novembre 1848, le gouvernement de Shanghai a permet la demande de missionnaire américaine à ouvrir une concession pour les Etats-Unis. Le 7 septembre 1853, dès lors une organisation non gouvernementale a occupé le chef-lieu de district de Shanghai, le gouvernement chinois a perdu le contrôle sur la concession. Un mécanisme indépendant a été établi et le département policier a été constitué par la concession britannique et la concession française, alors la première concession dans le vrai sens a été créée —un Etat dans l’Etat.
Vu que Shanghai est un port commerce en Chine, cette ville a pu toucher les connaissances de la culture et les nouvelles connaissances des pays occidentaux, surtout les connaissances économiques et les connaissances sur les armés. Après avoir perdu le contrôle du gouvernement chinois, Shanghai a été sous le contrôle de la concession, pourtant, il y avait non seulement une concession à Shanghai, beaucoup de pays a créé la concession à Shanghai. Dans la concession, comme un pays, les habitants qui sont dans la hiérarchie sociale sont venu de différent pays Cette situation a donné lieu à une intégration culturelle des différents pays. Avec l’ouverture des ports aux commerciaux, il y avait des nombreux de produits et de nouvelles conceptions qui ont pesés sur le développement économique de Shanghai. Dans la concession, toutes sortes de divertissements ont créés, les habitants surtout les consuls de différent pays, et les dirigeants des armées, ils ont toujours organisé la soirée pour obtenir les informations de toutes les forces ; en même temps, afin de couvrir la vraie identité, des espions travaillaient dans la salle de dance. Parce que dans les endroits de divertissement, les gens sont les plus relaxes, à ce moment-là où les espions étaient facile d’obtenir les informations les plus importantes.
En même temps, Shanghai était aussi une ville qui a remplie de violences. A cette époque-là, la Chine a commencé enveloppé dans l’ombre de la guerre, a déjà commencé à procéder à être envahi par le Japon. A Shanghai, même si les japonais qui étaient sous le contrôle de concession internationale n’ont pas pu détruire publiquement les habitants chinois, la qualité de ceux-ci a peu à peu diminué quand même. Il y avait non seulement l’envahissement des japonais et aussi les conflits du parti communiste et du parti nationaliste. En réalité, dans les années 30, à l’exception de certaine ville sous le contrôle de la concession, le parti nationaliste était le parti principal en Chine. Il était composé par les gens qui étaient riches et les gens qui avaient étudiés à l’étranger à ce moment-là. Cependant ce parti ne pouvait pas comprendre les intérêts de la plus part de la populaire chinoise.
En Chine, ce qui pouvait représenter la majorité de chinois, c’était les paysans. Alors en réalité, le parti communiste avait donc beaucoup de partisans puisqu’il a composé les gens qui pouvaient représenter la plus part des chinois. Avec le commencement de la guerre, Shanghai est devenu un endroit dont toutes les forces voulaient s’emparer.
Dans la concession de Shanghai, c’était l’envie et le somme de l’argent qui manœuvrait les gens, en même temps, c’était aussi la violence qui résultait de toutes les forces. C’est pourquoi Shanghai était une ville qui existait à la fois deux caractères -- le plaisir et la violence.
ANTONIOLI
SIMON
2122297



ASIE DU SUD EST : Compte rendu d'ouvrage : « Vietnam, un état né de la guerre 1945-1954 »



L'ouvrage : « Vietnam un état né de la guerre 1945-1954 », a été écrit par Christopher Goscha, Historien Américain spécialiste de la péninsule indochinoise et des contextes de colonisation et décolonisation de cette dernière, dans un cadre à la fois international et transnational. Cet ouvrage s'appuie sur une bibliographie variée, à la fois vietnamienne mais également européenne sur l'histoire de la guerre d'Indochine et de son vécu afin d'en permettre un décryptage détaillé et sous plusieurs angles de vus. L'objectif de cet ouvrage est en effet de se prémunir d'une analyse ethnocentriste de la guerre du Vietnam, ainsi que de ses tenants et aboutissants, en menant donc une étude « transnationale » de cette époque. Dans cette démarche, l'auteur s'est donc entre autre appuyé sur des témoignages de guerre vietnamiens. La période de 1945-1954 correspond quant à elle logiquement aux dates de début et de fin de la guerre d'Indochine, qui se conclut par les accords de Genève, amorçant ainsi le processus d'émancipation de l'Indochine et plus particulièrement du Vietnam.

L'objectif général et la problématique guidant cette ouvrage, sont de comprendre, à travers le point de vu vietnamien, comment la guerre et l'Etat vietnamien se sont mutuellement façonnés. Cette approche exclut donc l'étude chronologique et met en perspective l'évolution des liens et rapports de force entre les différents partis prenantes, à savoir la RDV (république démocratique du Vietnam) dans la partie nord du territoire, les troupes colonisatrices Françaises, et les Viet Minh : branche résistants nationalistes créée par le parti communiste indochinois.
Il apparaît à travers cette étude que le processus de construction de l'identité et de l'organisation de l'Etat Vietnamien est immanent à ce contexte de guerre devenant de plus en plus totale, et nécessitant une contribution croissante de la population, rurale comme urbaine, à l'effort de guerre. Le Vietnam n'a en effet pas les capacités technologiques et militaires dont disposent la France, et sa population est donc contrainte de s'organiser en conséquence pour perfectionner son organisation tant au premier plan, d'un point de vu militaire, ou les guérillas et embuscades sont préférées aux batailles rangées, que sur le second plan. En amont donc, l'Etat se construit à via la mise en place de services médicaux destinée à pallier aux violences de la guerre, à travers la contrebande de médicaments et la traduction en vietnamien des connaissances médicales occidentales. Il se construit également à travers le développement de services de communication perfectionnés liant les différentes archipels et permettant une communication militaire cryptée ainsi qu'un système d'écoute des communications de l'armée Française. Enfin, sur le plan purement militaire, les services de l'armée se professionnalisent, permettant notamment la victoire de Dien Bien Phu en 1950.
A travers ces exemples, l'intérêt est de mettre en avant l'importance du passé coloniale Vietnamien dans la constitution de son état, de son identité et de sa cohésion, de montrer en quoi cette guerre d'indépendance constitue un socle à la naissance de cet état.
Toutefois, dans le cadre de cette volonté d'analyse transnationale de l'histoire, cette période, aussi intense soit-elle sur ce territoire, ne peut pas être analysée indépendamment du contexte mondial de la guerre froide. En effet, les relations avec les pays voisins du bloc de l'est, et le partage d'une même idéologie communiste, ont été autant de facteurs décisifs sur lesquels le Vietnam a su s'appuyer dans cette logique d'émancipation du joug colonial Français. En effet, dans les années 1947-1949, la RDV développe des relations avec Staline et Mao.Ces derniers lui apportent leur soutien et partagent leurs expériences et savoirs faire dans divers domaines : tant sur le plan de la tactique militaire, avec l'exemple des victoires soviétiques contre la Wehrmacht, que sur le plan étatique. En effet, l'enjeu tant pour le Vietnam que pour l'idéologie communiste qu'elle partage avec ses voisins, est de s'émanciper de la dépendance envers le système économique capitaliste occidental, et de s'orienter vers un modèle de développement singulier, accéléré et tourné vers l'effort de guerre. Cela passe surtout par la mobilisation et la gestion de la société dans le cadre de cet objectif commun, mais aussi par la modernisation du combat. Dans cette optique, l'auteur souligne donc le rôle qu'ont joué les deux grands voisins Asiatiques du Vietnam : la Chine et la Russie.
Il s'agit donc d'un ouvrage intéressant qui permet de porter un autre regard sur ce conflit, en l'abordant non du point de vu Européen, mais du point de vu vietnamien, mais surtout en analysant ce conflit comme la genèse de son propre État.
La seule critique que je pourrais faire envers cet ouvrage est le manque d'effort de contextualisation historique et géopolitique de l'époque, ce qui rend plus difficile l'appropriation pour un lecteur non initié, des différents partis prenantes et enjeux liés.
LES MUSULMANS D’ASIE DE SUD-EST FACE AU VERTIGE DE LA RADICALISATION


Les Musulmans d’Asie de Sud-Est face au vertige de la radicalisation est un ouvrage paru en 2003 aux éditions Les Indes savantes et s’appuyant sur les recherches de dix-sept chercheurs. Il est dirigé par Stéphane Dovert, docteur en science politique et directeur de l’Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, et Remy Madinier, docteur en histoire et chercheur en CNRS où il est spécialiste des relations islamo-chrétiennes dans le monde Malais.
Les auteurs décrivent les groupes fondamentalistes religieux aux motivations variées, les réseaux terroristes et les gouvernements de la région en les replaçant dans leur contexte historique et géopolitique. Ils cherchent à analyser, avec justesse, les situations diverses, peu connues en occident, des cinq pays de la région regroupement près d’un tiers des musulmans de la planète : La Malaisie, l’Indonésie, la Thaïlande, le Cambodge, la Birmanie et les Philippines. L’ouvrage est divisé en deux parties qui regroupent des pays suivant la part de musulmans dans la population. On a ainsi d’une part la Malaisie et l’Indonésie où la population est majoritairement musulmane et d’autre part le Cambodge, la Birmanie et les Philippines où ils sont minoritaires.

Première partie : « Le complexe obsidional de l’islam majoritaire ». Obsidional se définit comme le fait de se sentir pathologiquement persécuté ou assiégé.

- La Malaisie est selon les auteurs « le pays de la région au sein duquel la dimension religieuse est la plus lourde d’enjeux politiques et institutionnels » en effet à la construction de l’Etat-nation malaisien l’identité malaisienne et musulmane sont liées. Jusqu’à la fin des années 1960 la Malaisie avait la particularité de fonctionner sur un compromis, la domination politique pour les Malais et la domination économique pour les sino-malais (Singapour). Cependant cet équilibre prend fin avec l’expulsion de Singapour de la fédération en 1965 et les émeutes interethniques de 1969. Après ces émeutes le gouvernement met en place une discrimination positive en faveur des Malais qui s’accompagne par un puissant retour de l’islam malais. Trois organisations hétérogènes accompagnent ce renouveau : Darul Arqam (secte musulmane), ABIM (Mouvement de la jeunesse malaise) et PAS (Parti Islamique Panmalais) et entretiennent des relations d’alliance, pour certains, à certains moments, ou de défiance à l’égard du gouvernement. Face à cette montée de l’Islam le gouvernement répond en accompagnant et encourageant la progression de l’Islam dans la société pour éviter les dérives. Il crée, par exemple, une université islamique, il subventionne les écoles religieuses. Dans le même temps il pratique avec les trois organisations un subtil jeu d’alliance et de répression. Cette politique a montré ces limites dans l’après 11 Septembre avec de nombreuses écoles enseignant un discours très rigoriste et hostile à l’occident.

- En Indonésie, le premier pays musulmans du monde, les auteurs démontrent que l’Islam radical c’est développé via plusieurs canaux. Tout d’abord via un sentiment de frustration et de peur apparu après la chute Soekarno (1966) lorsque le parti islamique musulman pro-parlementariste fut évincé du pouvoir par l’Ordre Nouveau alors qu’il avait luté pour la fin du régime. Ce sentiment de frustration s’accompagne de la peur de voir une progression des chrétiens, du fait des actions pro-chrétienne du nouveau gouvernement, et d’une jalousie de la communauté chinoise. Certains musulmans se sentant politiquement exclus, socialement et religieusement menacés se tournent vers un islam radical. Ensuite l’implantation en Indonésie d’organisations islamiques internationales et d’écoles coraniques (pour jeunes déshérités) en liens avec les mouvements wahhabites contribuent à la radicalisation d’une partie de la société. Depuis la chute de Soekarno l’Indonésie est un lieu de radicalisation et de tensions inter-religieuses, parfois sanglantes, le défit du gouvernement actuel est de proposer un islam libéral fort pour lutter contre le radicalisme.

La deuxième partie concerne les pays où l’islam est minoritaire :

- En Thaïlande, pays majoritairement bouddhiste, l’Islam radical s’est développé par deux courants. D’abord dans le sud du pays près de la Malaisie avec le mouvement PULO (Pantani United Liberation Organization) un mouvement indépendantiste et communautariste qui a pris fin en 1970 mais dont la région est aujourd’hui un lieu de rencontre de fondamentalistes. Ensuite du fait de l’exode rural des régions du sud vers Bangkok une frange de la population s’est tournée vers l’islam radical. Pour maîtriser la radicalisation le gouvernement thaïlandais intègre des musulmans et encourage les politiques communautaristes avec cependant le risque de dislocation de l’unité nationale.

- Le Cambodge, pays où le bouddhisme est religion d’état et environ 4% de la population est musulmane, est présenté comme un pays ayant su trouver un équilibre social. Cependant lors de la période khmère rouge la communauté cham musulmanes ainsi que son identité et ses traditions furent décimées. Il se pose aujourd’hui la question du rôle des missionnaires étrangers, notamment wahhabites, dans l’introduction d’un islam qui se veut pure. Ce rôle se caractérise dans les faits par l’arrivée de missionnaires étrangers (pays du golfe, Soudan) et le rôle de la RIH (Revival of Islamic Heritage Society) une organisation prosélyte koweïtienne.

- La Birmanie est le pays de la région où la communauté musulmane est persécutée. Dans ce pays la minorité Rohingya situé en Arkan près de la frontière avec le Bengladesh est opprimée et poussée à l’exil. Le gouvernement leur refuse le droit de citoyenneté, ils sont exclus de la vie économique et des politiques d’acculturation sont mises en place. Cette politique menée par la junte militaire pousse à la création de groupes indépendantistes islamistes.

- Aux Philippines la revendication islamique prend ses origines dans années 1970 et du transfert massif de populations catholiques vers les îles du sud majoritairement musulmanes et, où, les autorités pratiquèrent des politiques très favorables aux colons venus du nord paupérisant les musulmans. Les groupes islamiques de lutte comme le MIM (Muslim Independant Movment) débutent à ce moment. Ces groupes ont créé une identité artificielle moro censée représenter tous les musulmans de la région pourtant de culture hétérogène afin d’internationaliser le problème des musulmans philippins. Par ailleurs l’armée joue un rôle très ambigu, elle est suspectée d’armer ces mouvements indépendantistes afin de justifier sa présence dans la région.

L’ouvrage dirigé par Stéphane Dovert et Rémy Madinier est très intéressant puisqu’il cherche à offrir une vision claire, détaillée et rigoureuse de la situation de l’islam radical dans des pays hétérogènes mal connus en occident et souvent considérés comme équivalents. Leur choix méthodologique de remonter, pour chaque pays, à l’histoire des mouvements et des établissements des diverses populations permet une bonne compréhension des phénomènes. Leur but de permettre « la compréhension du phénomène d’islam radical en Asie du Sud-Est » est atteint.
L’ouvrage datant de 2003 il est sans doute nécessaire d’actualiser certaines informations mais cela ne change pas la compréhension générale de l’ouvrage et des situations qu’il décrit.


Pierre Coing